Dimanche 27 août
Distance 156 km – Dénivelé 1 985 mètres
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L’écureuil
Le petit déjeuner sera à l’aune du repas de la veille, je repars ragaillardi par cette agréable parenthèse, ce soir je vais dormir chez mon pote Gérard et sa compagne Marie-No. Gégé a participé à plusieurs Paris-Brest-Paris et à de nombreux trails dont la diagonale des fous à la Réunion et le TMB.
C’est l’étape reine du parcours : la traversée de la Creuse avec ses 150 km et un fort dénivelé. Ce matin, il fait vraiment froid. Je suis dans le département du Puy-de-Dôme à 800 m d’altitude avec un thermomètre qui affiche 5°. Il va falloir s’habiller chaudement.
Dès le départ, une longue descente, puis un raidillon à 19 % donne le ton de ce que sera cette journée ; je vais mettre pied à terre, c’est la première fois depuis le départ. Au sommet, j’aperçois le Puy-de-Dôme ainsi que les magnifiques Monts d’Auvergne qui se découpent sur l’horizon.
Je suis dans la région des Combrailles jusqu’à Chambonchard où je vais entrer en Creuse. Ces paysages de moyenne montagne sont extrêmement pittoresques, les collines sont parsemées de landes, de bocages, et de prairies.
Un écureuil traverse la chaussée, ce bel animal si agile, me sort à nouveau de l’engourdissement mental provoqué par la cadence lente et régulière du pédalage. À peine entrevu, il disparaît bien vite dans la forêt. J’aime ces rencontres fortuites et rares, c’est un des bonheurs de ce parcours.
Que d’eau
Le réseau hydrographique est très développé, je suis surpris par le nombre d’étangs, de ruisseaux et de rivières. Ces cours d’eau courent dans de profondes vallées, d’où ce parcours très accidenté. Pratiquement, chaque ville est traversée par une rivière : je vais longer le Cher, la Voueize, la Creuse, la Tardes, etc. Il en sera ainsi tout le long.
Dans les prairies paissent des vaches aux robes différentes : blanches pour les charolaises, marron pour les limousines. Les parcelles sont étonnements verdoyantes, malgré la sécheresse qui sévit dans d’autres départements.
Les villages et les fermes sont clairsemés. Je parcours des kilomètres sans rencontrer âme qui vive. La Creuse est un des départements de France le plus touché par l’exode rural. Il y a, parait-il, plus de vaches que d’habitants.
J’ai déjeuné à Chénérailles. Un monsieur attablé à la terrasse du restaurant surveille mon vélo, « vous pouvez aller manger tranquille me dit-il ». À la fin du repas, je le remercie d’avoir jeté un œil sur mon destrier. Il me confie alors : le plus grand regret de ma vie est ne pas avoir pu faire ce que vous faites !
Je suis touché par ces propos, je ne sais quoi répondre. Parfois les circonstances de la vie et le vécu de chacun d’entre nous ne sont pas toujours compatibles avec la réalisation de nos rêves.
L’euphorie
Je suis vraiment amoureux de ces paysages. Au fond de moi je suis habité par un profond sentiment de quiétude. Depuis le départ, c’est vraiment la région que j’ai le plus appréciée par la beauté et la variété des paysages. Pas étonnant que les « bobos » et les citadins en mal de verdure aient acheté des résidences secondaires dans ce département.
Depuis midi il fait bon rouler, le soleil est de retour mais le temps reste frais. Au sommet des côtes, il faut remettre le coupe-vent. C’est le premier jour depuis mon départ où les conditions atmosphériques sont aussi favorables.
Lorsque tout va bien, on se laisse rapidement gagner par l’euphorie, l’esprit est vide de toutes pensées parasites, une vague d’énergie envahie le corps, le coup de pédale est fluide et léger. Ces sensations sont géniales.
Roulement et dynamo
J’ai un peu oublié les soucis matériels que j’ai rencontrés en début de parcours, certes, j’ai dû huiler à plusieurs reprises l’axe de la dynamo, mais j’ai bon espoir de pouvoir rallier Thiviers demain. Mon épouse me rejoindra là-bas pour m’apporter un jeu de cuvettes, une roue et les outils nécessaires à la réparation.
C’est sans compter sur le mauvais sort ! alors que je gravis la longue montée de Pontarion, le tac-tac langoureux du roulement qui s’envoie en l’air s’invite à nouveau pour me gâcher le plaisir de terminer tranquille cette fantastique étape. Ce bruit incessant est une véritable torture.
Comme si cela ne suffisait pas la dynamo recommence à faire des siennes, je dois m’arrêter de plus en plus fréquemment pour lubrifier l’axe. Ce n’est pas possible d’avoir une poisse pareille !
Mon copain Gégé informé des problèmes que je rencontre, se tient prêt à venir me récupérer. Il me reste 50 km et je n’ai pas l’intention d’abandonner.
Nostalgie
Toutes ces difficultés m’amènent à modifier ma stratégie, j’appelle mon épouse pour lui demander de venir me chercher ce soir. Je ne suis pas loin de mon domicile et dans mon atelier j’ai les outils adéquates pour réparer.
Je traverse Saint-Léonard de Noblat. Cette ville est la patrie du célèbre chimiste et physicien Gay-Lussac, ainsi que celle de Raymond Poulidor notre champion cycliste national. Une grande affiche à son effigie est suspendue à l’entrée d’une avenue de la ville.
Tant bien que mal, je finis par arriver à Saint-Genest-sur-Roselle où je suis attendu par mon épouse et mes amis, nous passons une super soirée autour d’un délicieux repas préparé par Marie-No. On verra demain pour la réparation, ce soir on profite et on oublie le désagrément de la journée, puis nous rentrons à la maison.
Comme souvent, je suis debout aux aurores, hier j’ai dû prendre froid car je me sens fiévreux et je n’ai pas trop la forme. Ce sera Doliprane au petit déjeuner.
Réparations
Je file à l’atelier pour entamer les réparations. La cuvette côté pédalier me donne du fil à retordre, je vais casser les deux inserts de ma clé. Elle va finir par céder avec une clé anglaise. Parfois il faut savoir employer les grands moyens ! Dans la foulée, je descends à Brive acheter les inserts nécessaires au remontage. Je vais trouver mon bonheur chez Sport Bike à Malemort.
De retour à la maison, je remonte l’ensemble, remplace la roue dynamo par une roue classique. Je suis prêt à repartir, malheureusement il va falloir que je patiente un jour supplémentaire avant que la fièvre ne tombe et que mon état s’améliore.